La santé communautaire est un pilier fondamental du développement humain et social, car elle conditionne la qualité de vie, la productivité et la résilience des populations. Au Gabon, bien que des progrès notables aient été réalisés en matière de lutte contre certaines maladies (paludisme, VIH, tuberculose), de nombreux défis demeurent, notamment dans les zones rurales et les quartiers périphériques des grandes villes. Le renforcement des infrastructures de santé communautaire se présente donc comme une priorité stratégique pour garantir un accès équitable et continu aux soins, réduire la mortalité évitable et accroître la protection sanitaire face aux épidémies émergentes.
L’inégalité de répartition des structures de soins sur le territoire est l’un des freins majeurs à l’amélioration de l’état de santé des populations gabonaises. Dans certaines localités rurales, l’absence de centres de santé de base ou d’équipements médicaux essentiels oblige les habitants à parcourir de longues distances pour consulter un professionnel de santé. Les coûts de transport, associés à la perte de revenus liée au déplacement, dissuadent souvent les familles de recourir à des soins préventifs ou curatifs. Lorsque des infrastructures existent, elles sont parfois dépourvues des ressources matérielles, médicamenteuses ou humaines nécessaires (personnel soignant qualifié, appareils de diagnostic, stock suffisant de vaccins et de médicaments, etc.). Cette situation contribue à la persistance de pathologies courantes (infections respiratoires, diarrhées, parasitoses) qui auraient pu être aisément prévenues ou traitées.
Au-delà du simple enjeu d’implantation de centres de santé, la question de la maintenance et de la durabilité des infrastructures se pose avec acuité. Des établissements nouvellement construits ou réhabilités peuvent rapidement tomber en désuétude s’ils ne bénéficient pas d’un plan de gestion adéquat ou de financements récurrents pour leur entretien. De plus, le manque de personnel qualifié dans certaines régions découle à la fois de la pénurie de formations médicales et paramédicales de proximité, et de la difficulté à retenir les professionnels dans des zones isolées où les conditions de vie (logement, salaires, incitations) sont moins attractives que dans les centres urbains.
Dans ce contexte, Action Gabon propose une approche intégrée visant à renforcer durablement les infrastructures de santé communautaire et à améliorer l’ensemble de la chaîne de soins. Cette approche repose d’abord sur une évaluation précise des besoins de chaque localité. Un diagnostic territorial détaillé permet d’identifier les “zones blanches” (dépourvues de structures de santé), les équipements manquants, les affections les plus répandues et les obstacles socioculturels à l’accès aux soins (croyances, genre, statut socio-économique). Sur la base de ce diagnostic, il devient possible de prioriser les investissements, qu’il s’agisse de construire de nouveaux centres, d’agrandir et d’équiper ceux qui existent déjà, ou d’affecter davantage de personnel médical et paramédical.
Ensuite, la mise à niveau des équipements se révèle essentielle pour offrir une gamme de services adaptée aux principales pathologies rencontrées. Cela comprend non seulement la dotation en matériel de base (lits d’hospitalisation, dispositifs de stérilisation, tables d’accouchement, kits de premiers soins), mais aussi des équipements de diagnostic plus avancés (laboratoires d’analyses, appareils d’échographie, matériel de radiologie selon la taille et la vocation du centre). Au-delà de l’équipement initial, il est primordial de penser à l’approvisionnement régulier en consommables médicaux (gants, seringues, matériel de perfusion, etc.) et en médicaments. Des partenariats avec des organisations internationales, des bailleurs de fonds ou des laboratoires pharmaceutiques peuvent faciliter la réduction des coûts d’acquisition et l’approvisionnement pérenne.
Le recrutement et la fidélisation du personnel soignant représentent un autre enjeu fondamental. Infirmiers, sages-femmes, agents de santé communautaire, médecins généralistes et spécialistes sont indispensables pour assurer une couverture complète des besoins de la population. Pour attirer et maintenir ces professionnels dans les zones rurales ou reculées, il convient de mettre en place des incitations financières (primes, avantages en nature), mais aussi de veiller à la qualité de vie sur place (accès au logement, à l’électricité, à l’eau courante, à l’internet, possibilités de formation continue, etc.). De plus, la collaboration avec les écoles de santé, les universités et les centres de formation professionnelle peut aider à adapter les curricula aux réalités du terrain et à encourager la création de filières spécialisées (santé maternelle et infantile, prévention du VIH/sida, nutrition, santé environnementale, etc.). Dans ce cadre, Action Gabon milite pour une approche décentralisée de la formation, afin que les futurs agents de santé soient formés au plus près des communautés qu’ils serviront, créant ainsi un plus grand enracinement local et réduisant le risque de fuite vers les grandes villes.
Parallèlement à l’amélioration des infrastructures et du personnel, la sensibilisation des communautés est cruciale pour encourager la prévention et l’adoption de comportements favorables à la santé. Les agents de santé communautaire jouent un rôle central : issus des villages ou quartiers où ils exercent, ils bénéficient d’une légitimité et d’une proximité culturelle qui facilitent le dialogue avec les familles. Ils peuvent mener des campagnes de vaccination, informer sur l’hygiène, la nutrition, la santé reproductive et la planification familiale, ou encore assurer le suivi des maladies chroniques (diabète, hypertension) au plus proche du domicile des patients. Ces actions contribuent à désengorger les structures de soins de niveau supérieur (hôpitaux régionaux), tout en renforçant la confiance des populations dans le système de santé.
Un autre aspect essentiel du renforcement des infrastructures de santé communautaire concerne la mise en place de systèmes d’information et de suivi épidémiologique efficaces. Dans un monde de plus en plus confronté à des pandémies et à des risques sanitaires mondiaux (COVID-19, Ebola, fièvre jaune, etc.), la capacité à détecter rapidement les signaux d’alarme et à répondre à une flambée épidémique s’avère cruciale. Les centres de santé, même de petite taille, doivent être intégrés à un réseau de collecte de données permettant de cartographier les pathologies, de recenser les cas et d’organiser une riposte coordonnée. Les outils numériques peuvent aider à systématiser cette remontée d’informations en temps réel, à condition de s’assurer que les zones concernées disposent d’une connectivité minimale (accès à un réseau mobile, formations sur l’utilisation de tablettes ou d’ordinateurs).
L’intégration de la santé communautaire dans la politique de sécurité sociale est un autre levier de durabilité. En effet, le coût des soins demeure un obstacle pour de nombreuses familles, surtout lorsque les pathologies exigent des hospitalisations prolongées ou des traitements coûteux. Les mécanismes de protection sociale, tels que l’assurance maladie universelle ou les mutuelles de santé, permettent de partager le risque financier et d’éviter que des ménages ne sombrent dans la pauvreté à cause de dépenses médicales. Cependant, la réussite de ces dispositifs dépend de leur gouvernance, de leur transparence et de leur capacité à adapter les contributions des ménages à leurs capacités économiques. Les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle de relais pour informer les populations sur leurs droits et sur les conditions d’adhésion, tout en veillant à ce que la qualité des prestations soit maintenue.
Enfin, le renforcement des infrastructures de santé communautaire gagne à être considéré dans une logique de transversalité avec d’autres secteurs. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement, par exemple, est étroitement lié à la santé maternelle et infantile. L’amélioration des pistes rurales contribue à faciliter l’évacuation des urgences médicales vers les hôpitaux de référence. Les actions de sensibilisation sur la nutrition, l’hygiène et la vaccination sont plus efficaces si elles s’accompagnent de programmes d’éducation plus larges (alphabétisation, enseignement sur les valeurs d’égalité de genre, etc.). Cette transversalité implique une coordination étroite entre les ministères de la Santé, de l’Éducation, des Infrastructures, de l’Agriculture, de l’Eau et de l’Énergie, ainsi qu’avec les ONG, les associations de base et les partenaires internationaux.
En définitive, la consolidation et l’expansion des infrastructures de santé communautaire dans tout le Gabon répondent à la fois à un impératif moral, à un besoin social et à une exigence de développement. Sans un système de santé de proximité, capable de prendre en charge la majorité des problèmes de santé au niveau local, les inégalités se creusent et la mortalité évitable augmente, en particulier pour les femmes enceintes, les nouveau-nés et les enfants en bas âge. Par ses programmes de plaidoyer, de formation, d’appui technique et de mobilisation communautaire, Action Gabon s’engage à accompagner les efforts nationaux pour que chaque citoyen puisse jouir de son droit fondamental à la santé. En investissant dans des infrastructures de base solides, en formant et en fidélisant du personnel qualifié, en sensibilisant les populations et en favorisant la coopération intersectorielle, le Gabon peut renforcer sa capacité à prévenir et à traiter efficacement les maladies, assurant ainsi un meilleur bien-être pour tous et une dynamique de développement plus équilibrée sur l’ensemble du territoire.